mardi 27 mai 2014

Elections pour le Parlement Européen 2014

Les résultats au niveau continental des dernières élections européennes démontrent une forte poussée des Partis populistes/nationalistes/extrémistes. De tels Partis ont remporté les élections en France, en Angleterre, en Belgique ou encore au Danemark, tout en ayant de bons résultats (c'est-à-dire en ayant réussi à élire des députés) en Belgique, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie ou encore au Pays-Bas. La liste est longue et elle démontre que la présence de l'extrême-droite est devenue une affaire structurante dans la politique européenne.

Le Parlement Européen

La première conclusion qu'il faut retirer de ces résultats, c'est que le succès de l'extrême-droite n'est pas la conséquence directe des difficultés économiques, de la crise économique dans laquelle l'Europe se trouve. En effet, dans les pays les plus touchés par la crise économique, aucun Parti d'extrême-droite n'est arrivé en tête. C'est la Gauche de Tsipras qui gagne en Grèce, le centre-gauche du PD et du PS qui gagne les élections en Italie et au Portugal, respectivement. Finalement, c'est la droite traditionnelle qui gagne en Espagne. Ce qui veut dire que l'extrême-droite gagne là où la crise économique n'a eu que des effets résiduels ou alors aucune réelle conséquence. Autrement dit, l'extrême-droite a réussi surtout dans les pays les plus riches ayant une qualité de vie élevée : la France, l'Angleterre ou encore le Danemark.

Source : http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/05/26/vague-europhobe-sur-le-vieux-continent_4425957_3214.html

La vision économique du monde, cette vision matérialiste dans laquelle l'Occident persiste à demeurer, n'arrive donc pas à expliquer les résultats de l'extrême-droite et ceci parce qu'une telle vision ne prend pas en compte ce qui constitue la base même de toute communauté politique : les valeurs communes. La vision matérialiste du monde a réduit la politique à une affaire fonctionnaliste, réduisant ainsi l'affaire politique à une affaire de gestion. Il n'y a alors, dans le panorama politique, que des technocrates qui peuvent très bien maîtriser, tant bien que mal, les lois du marché et les lois de la communauté, mais qui ne savent pas répondre à la question essentielle en politique : pourquoi devons-nous vivre ensemble?

La victoire en France, pays des Droits Universels de l'Homme, d'un Parti fasciste et xénophobe démontre bien la crise des valeurs sur lesquelles la civilisation européenne s'est construite. L'être humain, conçu en tant qu'être libre puisque rationnel et responsable, et la dignité humaine, en tant que héritage chrétien que les Lumières ont sécularisée et qui politiquement s'est institutionnalisée dans l’État de Droit et dans la Démocratie, sont aujourd'hui sérieusement mis en cause par les valeurs opposées que le FN représente. Voter FN ou être indifférent à ses résultats, c'est finalement soutenir un rapport au monde fondé sur la non-rationalité, ce qui revient à dire fondé sur la non-liberté.

Source : http://www.francetvinfo.fr/politique/front-national/cartes-a-quoi-ressemble-la-france-apres-les-europeennes_609355.html

C'est un moment de crise celui par lequel l'Europe est en train de passer : une vraie crise civilisationnelle et c'est à cette crise qu'il faut porter des réponses. Le grand problème, c'est que le remède à cette crise se trouve aujourd'hui décrédibilisé aux yeux des politiques ainsi qu'à ceux de la communauté elle-même : c'est-à-dire l'éducation. L’École a, elle-aussi, été réduite à cette vision matérialiste du monde. Alors que, depuis la fondation des Universités au Moyen-Âge, elle s'est assumée, non sans peines, comme l'espace de la liberté de l'esprit, comme l'espace qui avait comme fonction rendre l'homme plus humain, ce que l'on constate aujourd'hui, c'est qu'elle transforme l'homme en machine, en une force productive qui doit être efficace une fois dans le marché du travail. Autrement dit, alors que l'éducation devrait rendre la liberté à l'être humain, alors que l'éducation devrait réveiller dans l'individu la dimension collective, elle le forge d'après le déterminisme matérialiste.

Aussi préoccupant que le discrédit de l’École, c'est, en France, l'apathie généralisée qui touche la jeunesse. C'est parmi les jeunes que le taux d'abstention a été le plus élevé et c'est aussi parmi les jeunes que le FN obtient ses meilleurs résultats. C'est intéressant de comparer l'inaction de la jeunesse française avec l'action de la jeunesse d'un pays qui a été touché par la crise et qui veut vraiment changer l'état des choses. En Espagne on a vu, dimanche dernier, le PODEMOS élire 5 députés au PE. Créé dans le contexte de la crise, ce Parti est constitué majoritairement par des jeunes entre 18 et 35 ans qui proposent un vrai changement politique et social... un vrai changement puisque actif! De leur côté, les jeunes français du même âge soit s'abstiennent soit votent FN croyant que le changement viendra en ne faisant rien ou alors en votant extrémiste.

Quand je pense à la réaction des jeunes en France, je ne peux pas m'empêcher d'imaginer ce petit gamin de 6 ans qui, à Noël, n'a pas reçu le cadeau qu'il voulait et qui soit il part dans sa chambre en pleurant (s'abstient) soit alors commence à tout casser (vote FN). Comme ce petit gamin de 6 ans, la jeunesse française est une jeunesse gâtée qui, en ce moment, ne reçoit plus les cadeaux qu'elle souhaite, auxquels elle pense avoir droit et met les fautes sur tout le monde... sauf sur sa propre inaction. C'est finalement la génération de la consommation qui fait la gueule non pas parce qu'elle veut changer de modèle (si c'était le cas, elle s'engagerait), mais parce qu'elle ne peut plus consommer comme avant. L'attitude de la jeunesse n'est plus le signe de quoi que ce soit : elle est devenue, elle-aussi, la cause de ce qui est arrivé dimanche dernier.
C'est par l'éducation et par la jeunesse que cette crise des valeurs en Europe peut être dépassée. C'est par une éducation centrée sur la dignité de l'humain et sur la dimension collective de la vie-avec-les-autres que les bases du populisme extrémiste peuvent être détruites. Seule une éducation centrée sur la dimension critique et collective de l'individu peut faire réveiller en lui la liberté et la responsabilité qui sont les structures mêmes de la démocratie. Nourrir la déresponsabilisation de l'individu, c'est faire le jeu de l'extrémisme pour qui la faute est toujours à l'autre. En démocratie, et c'est cela le principe même de la démocratie, chaque individu est responsable pour la collectivité. C'est en dictature que les individus ne sont pas responsables. C'est en dictature qu'il n'y a qu'un seul responsable parce que finalement il n'y a qu'un seul individu qui peut jouir de la liberté. Quand des partis extrémistes remportent les élections dans des pays aussi libéraux que l'Angleterre ou la France, tous les agents politiques sont responsables... que faut-il encore pour que chacun assume sa part de responsabilité? Des centaines de trains conduisant les étrangers à la frontière?

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